Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



Vierge aux beaux seins d’albâtre, épargne ton poëte,
Souviens-toi que c’est moi qui le premier t’ai faite
Plus belle que le jour ;
J’ai changé ton teint vert en pâleur diaphane,
Sous de beaux cheveux noirs j’ai caché ton vieux crâne,
Et je t’ai fait la cour.

Laisse-moi vivre encor, je dirai tes louanges,
Pour orner tes palais, je sculpterai des anges,
Je forgerai des croix ;
Je ferai dans l’église et dans le cimetière
Fondre le marbre en pleurs et se plaindre la pierre
Comme au tombeau des rois !

Je te consacrerai mes chansons les plus belles :
Pour toi j’aurai toujours des bouquets d’immortelles
Et des fleurs sans parfum.
J’ai planté mon jardin, ô mort, avec tes arbres ;
L’if, le buis, le cyprès y croisent sur les marbres
Leurs rameaux d’un vert brun.