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C’est le triomphateur, le vainqueur, le César,
Qui, la couronne au front, au devant de son char,
Malgré tout son amour, s’il peut la prendre vive,
Traînera sans pitié Cléopâtre captive.
Aspic, dresse ton col tout gonflé de venin !
Sors du panier de fleurs, siffle et mords ce beau sein.
César attend dehors ! il lui faut Cléopâtre,
Pour suivre le triomphe et paraître au théâtre.
Il faut que sur leurs bancs les chevaliers romains
Disent : — Heureux César ! et lui battent des mains.
La femme sait cela que de reine et maîtresse,
Elle devient esclave et que son pouvoir cesse ;
Mais le sceptre qu’hier, dans l’oubli du plaisir,
Elle a laissé tomber, aujourd’hui le désir
Le lui remet en main et la fait souveraine.
Il faut que son amant à ses genoux se traîne
Et lui baise les pieds et demande pardon.
Mais elle maintenant, froide et sans abandon,
Avec un double fil nouant son nouveau masque,
Ainsi qu’un chevalier à l’abri sous son casque,
Guette à couvert l’instant où, faible et désarmé,
Se livre à son poignard l’amant qu’on croit aimé.
Mon ange, n’est-ce pas qu’une telle pensée
N’eût pas dû me venir et doit être chassée,