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Te tenaient enfermée et t’enchaînaient à moi.
Toi, tu ne disais rien ; tu n’écoutais pas, toi ;
Mes baisers s’éteignaient sur ta lèvre glacée ;
Je ne te sentais pas sentir ; ta main pressée
N’entendait pas la mienne et ne répondait rien.
J’étais là, devant toi, comme un musicien,
Tourmentant le clavier d’un clavecin sans cordes.
Ô mon âme ! pourquoi faut-il, quand tu débordes,
Comme un lis rempli d’eau que le vent fait pencher,
Que l’âme où tout en pleurs tu voudrais t’épancher,
Se ferme et te repousse et te laisse répandre
Tes plus divins parfums sans en vouloir rien prendre ?
J’ai cherché vainement pourquoi cette froideur,
Après tant de baisers vivants et pleins d’ardeur,
Après tant de serments et de douces paroles,
Tant de soupirs d’ivresse et de caresses folles ;
Je n’ai rien pu trouver autre chose, sinon
Qu’on était fou d’avoir au fond du cœur un nom
Que l’on ne dira pas, et que c’était chimère
D’aimer une autre femme au monde que sa mère.
Rousseau dit quelque part : — Regardez votre amant
Au sortir de vos bras. Il a raison vraiment.
Lorsque, le désir mort, naît la mélancolie,
Que l’amour satisfait se recueille et s’oublie,