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Comme je m’en allais, visitant les chapelles,
Avec tous leurs festons et toutes leurs dentelles,
Dans un coin du jubé j’aperçus un tableau
Représentant un Christ qui me parut très-beau.
On y voyait saint Jean, Madeleine et la Vierge ;
Leurs chairs, d’un ton pareil à la cire de cierge,
Les faisaient ressembler, sur le fond sombre et noir,
À ces fantômes blancs qui se dressent le soir,
Et vont croisant les bras sous leurs draps mortuaires ;
Leurs robes à plis droits, ainsi que des suaires,
S’allongeaient tout d’un jet de leur nuque à leurs pieds ;
Ainsi faits, l’on eût dit qu’ils fussent copiés
Dans le campo-Santo sur quelque fresque antique,
D’un vieux maître Pisan, artiste catholique,
Tant l’on voyait reluire autour de leur beauté,
Le nimbe rayonnant de la mysticité,
Et tant l’on respirait dans leur humble attitude,
Les parfums onctueux de la béatitude.

Sans doute que c’était l’œuvre d’un Allemand,
D’un élève d’Holbein, mort bien obscurément,
À vingt ans, de misère et de mélancolie,
Dans quelque bourg de Flandre, au retour d’Italie ;