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Tout ce que Dieu nous fit de sublimes spectacles,
Les deux mondes ensemble avec tous leurs miracles :
Que n’avez-vous pas vu ? les montagnes, la mer,
La neige et les palmiers, le printemps et l’hiver,
L’Europe décrépite et la jeune Amérique :
Car votre peau cuivrée aux ardeurs du tropique,
Sous le soleil en flamme et les cieux toujours bleus,
S’est faite presque blanche à nos étés frileux.
Votre enfance joyeuse a passé comme un rêve
Dans la verte savane et sur la blonde grève ;
Le vent vous apportait des parfums inconnus ;
Le sauvage Océan baisait vos beaux pieds nus,
Et comme une nourrice, au seuil de sa demeure,
Chante et jette un hochet au nouveau-né qui pleure,
Quand il vous voyait triste, il poussait devant vous
Ses coquilles de moire et son murmure doux.
Pour vous laisser passer, jam-roses et lianes
Écartaient dans les bois leurs rideaux diaphanes ;
Les tamaniers en fleurs vous prêtaient des abris ;
Vous aviez pour jouer des nids de colibris ;
Les papillons dorés vous éventaient de l’aile,
L’oiseau-mouche valsait avec la demoiselle ;
Les magnolias penchaient la tête en souriant ;
La fontaine au flot clair s’en allait babillant ;