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Regagnant le sommet d’un coteau séparé,
D’où l’œil se perd au fond d’un lointain azuré ;
Et nous attendrons là que notre jour arrive,
Voyant de haut la mer se briser à la rive,
Et les vaisseaux là-bas palpiter sous le vent.
La mort n’a pas besoin que l’on aille au devant ;
Marchands, hommes de guerre, orateurs et poëtes,
La Mort, de tout cela, fait de pareils squelettes ;
Pour sa gerbe elle prend l’épi comme la fleur,
Et ne respecte rien, ni forme, ni couleur ;
Elle va, du coupant de sa courbe faucille,
Jetant bas le vieillard avec la jeune fille ;
Elle fauche le champ de l’un à l’autre bout,
Et dans son grenier noir elle serre le tout.
À quoi bon s’efforcer jusques à perdre haleine,
Courir à droite, à gauche, et prendre tant de peine,
Quand peut-être le fer, près de notre sillon,
Se balance et fait luire un sinistre rayon.
Quelle chose est utile en ce monde où nous sommes ?
Et quand la vieille a mis en tas ses gerbes d’hommes,
Qui peut dire lequel était Napoléon,
Ou l’obscur amoureux des roses du vallon ?
Qui le décidera ? L’existence est un songe
Où rien n’est sûr, sinon que le même ver ronge