Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Des entretiens naïfs et des charmants amours
Que vous aviez ensemble au midi des beaux jours !
Ami, vous étiez fait pour chanter sous le hêtre,
Comme le doux berger que Mantoue a vu naître,
La blonde Amaryllis en couplets alternés.
De sauvages odeurs vos vers tout imprégnés,
Sentent le serpolet, le thym et la frambroise ;
À vos molles chansons le bouvreuil s’apprivoise,
Et, tout émerveillé, du sommet des ormeaux,
Descend de branche en branche et vient sur vos pipeaux.
Ne faites pas sortir le tonnerre des Gracques,
D’une bouche formée aux chants élégiaques ;
Laissez cette besogne aux orateurs braillards,
Qui, le pied sur la borne et les cheveux épars,
Jurent à six gredins, tout grouillants de vermine,
Qu’ils ont vraiment sauvé Rome de la ruine.
Rome se sauvera toute seule, très-bien ;
Ses destins sont écrits et nous n’y ferons rien ;
Qui pourrait enrayer la fortune et sa roue ?
Que le char de l’état s’enfonce dans la boue,
Ou, par les rangs pressés de ce bétail humain,
S’ouvre, en les écrasant, un plus large chemin ;
Nous trouverons toujours dans l’ombre et sur la mousse
Quelque petit sentier, par une pente douce,