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Ces tons harmonieux, ces beaux linéaments,
N’ont jamais existé qu’aux cerveaux des amants,
J’avais dit, n’ayant vu que la laideur française,
Raphaël a menti comme Paul Véronèse !
Vous n’avez pas menti, non, maîtres ; voilà bien
Le marbre grec doré par l’ambre italien
L’œil de flamme, le teint passionnément pâle,
Blond comme le soleil, sous son voile de hâle,
Dans la mate blancheur, les noirs sourcils marqués,
Le nez sévère et droit, la bouche aux coins arqués,
Les ailes de cheveux s’abattant sur les tempes ;
Et tous les nobles traits de vos saintes estampes,
Non, vous n’avez pas fait un rêve de beauté,
C’est la vie elle-même et la réalité.
Votre Madone est là ; dans sa loge elle pose,
Près d’elle vainement l’on bourdonne et l’on cause ;
Elle reste immobile et sous le même jour,
Gardant comme un trésor l’harmonieux contour.
Artistes souverains, en copistes fidèles,
Vous avez reproduit vos superbes modèles !
Pourquoi découragé par vos divins tableaux,
Ai-je, enfant paresseux, jeté là mes pinceaux,
Et pris pour vous fixer le crayon du poëte,
Beaux rêves, obsesseurs de mon âme inquiète,