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Tout perdait son éclat, tout tombait à côté
De cette virginale et sereine beauté ;
Mon âme tout entière à cet aspect magique,
Ne se souvenait plus d’écouter la musique,
Tant cette morbidezze et ce laisser-aller
Était chose charmante et douce à contempler,
Tant l’œil se reposait avec mélancolie
Sur ce pâle jasmin transplanté d’Italie.
Moins épris des beaux sons qu’épris des beaux contours
Même au parlar Spiegar, je regardai toujours ;
J’admirais à part moi la gracieuse ligne
Du col se repliant comme le col d’un cygne,
L’ovale de la tête et la forme du front,
La main pure et correcte, avec le beau bras rond ;
Et je compris pourquoi, s’exilant de la France,
Ingres fit si longtemps ses amours de Florence.
Jusqu’à ce jour j’avais en vain cherché le beau ;
Ces formes sans puissance et cette fade peau
Sous laquelle le sang ne court que par la fièvre
Et que jamais soleil ne mordit de sa lèvre ;
Ce dessin lâche et mou, ce coloris blafard
M’avaient fait blasphémer la sainteté de l’art.
J’avais dit : l’art est faux, les rois de la peinture
D’un habit idéal revêtent la nature.