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Sainte Agnès, sainte Ursule et sainte Catherine,
Croisant leurs blanches mains sur leur blanche poitrine,
Les chérubins joufflus au plumage d’azur,
Nageant dans l’outremer sur un filet d’eau pur ;
Les grands anges tenant la couronne et la palme ;
Tout ce peuple mystique au front grave, à l’œil calme,
Qui prie incessamment dans les Missels ouverts,
Et rayonne au milieu des lointains bleus et verts.
Oui, le dessin est sec et la couleur mauvaise,
Et ce n’est pas ainsi que peint Paul Véronèse :
Oui, le Sanzio pourrait plus gracieusement
Arrondir cette forme et ce linéament ;
Mais il ne mettrait pas dans un si chaste ovale
Tant de simplicité pieuse et virginale ;
Mais il ne prendrait pas, pour peindre ces beaux yeux,
Plus d’amour dans son cœur et plus d’azur aux cieux ;
Mais il ne ferait pas sur ces tempes en ondes
Couler plus doucement l’or de ses tresses blondes.
Ses madones n’ont pas, empreint sur leur beauté,
Ce cachet de candeur et de sérénité.
Leur bouche rit souvent d’un sourire profane,
Et parfois sous la vierge on sent la courtisane,
On sent que Raphaël, lorsqu’il les dessina,
Avait passé la nuit chez la Fornarina.