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Mes vers sont les tombeaux tout brodés de sculptures,
Ils cachent un cadavre, et sous leurs fioritures
Ils pleurent bien souvent en paraissant chanter.

Chacun est le cercueil d’une illusion morte ;
J’enterre là les corps que la houle m’apporte
Quand un de mes vaisseaux a sombré dans la mer ;

Beaux rêves avortés, ambitions déçues,
Souterraines ardeurs, passions sans issues,
Tout ce que l’existence a d’intime et d’amer.

L’océan tous les jours me dévore un navire,
Un récif, près du bord, de sa pointe déchire
Leurs flancs doublés de cuivre et leur quille de fer.

Combien j’en ai lancé plein d’ivresse et de joie
Si beaux et si coquets sous leurs flammes de soie
Que jamais dans le port mes yeux ne reverront !