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Qui passez votre vie à voir s’ouvrir et croître
Dans le jardin fleuri de la mysticité,
Les pétales d’argent du lis de pureté,
Vrais libertins du ciel, dévots Sardanapales,
Vous, vieux moines chenus, et vous, novices pâles,
Foyers couverts de cendre, encensoirs ignorés,
Quel don Juan a jamais sous ses lambris dorés
Senti des voluptés comparables aux vôtres !
Auprès de vos plaisirs, quels plaisirs sont les nôtres !
Quel amant a jamais, à l’âge où l’œil reluit,
Dans tout l’enivrement de la première nuit,
Poussé plus de soupirs profonds et pleins de flamme,
Et baisé les pieds nus de la plus belle femme
Avec la même ardeur que vous les pieds de bois
Du cadavre insensible allongé sur la croix !
Quelle bouche fleurie et d’ambroisie humide,
Vaudrait la bouche ouverte à son côté livide !
Notre vin est grossier ; pour vous, au lieu de vin,
Dans un calice d’or perle le sang divin ;
Nous usons notre lèvre au seuil des courtisanes,
Vous autres, vous aimez des saintes diaphanes,
Qui se parent pour vous des couleurs des vitreaux
Et sur vos fronts tondus, au détour des arceaux,
Laissent flotter le bout de leurs robes de gaze :