de les défendre, et fait jaillir le sang des ongles de l’Empereur. « Ce sera le faucon de la chrétienté, » s’écrie Charles, qui est déjà très-fier de son neveu. C’est alors que Berte et Milon se marient ; c’est alors aussi que commencent les véritables « Enfances » de notre Héros. ═ Ces Enfances ont donné lieu à plusieurs récits, non-seulement différents, mais contradictoires. Il nous faut encore ici montrer les divers courants de la Légende. 1° Enfances de Roland, d’après le roman d’Aspremont (premières années du xiiie siècle)... Charles, défié par Balant, ambassadeur d’Agolant, réunit toutes les forces de son empire et se dirige vers les Alpes. La grande armée passe à Laon. Or c’est là qu’on a enfermé le petit Roland (« Rollandin ») avec d’autres enfants de noble race, Gui, Hatton, Berenger et Estoult. Mais ces enfants ont déjà le courage des hommes, et ne peuvent supporter l’idée de se voir ainsi éloignés du théâtre de la guerre. Sur la proposition de Roland, ils essaient de corrompre leur « portier ». Celui-ci demeurant incorruptible, ils l’assomment et s’éloignent. Trop fiers pour aller à pied, ils volent des chevaux aux bons Bretons du roi Salomon, et n’ont point trop de peine à se faire pardonner tant d’escapades. Bref, ils sont admis dans les rangs de l’armée : ils iront, eux aussi, à Aspremont. (V. ce poëme, édition Guessard, pp. 13-16.) Le récit de cette guerre est interminable : nous l’abrégerons. Il nous importe uniquement de savoir que Roland en devient bientôt le héros, avec le jeune Yaumont, fils d’Agolant. Celui-ci, auquel le trouvère prête d’ailleurs les qualités les plus françaises et les plus chrétiennes, est sur le point de triompher de Charlemagne et de le tuer en un combat singulier qui va décider de toute la guerre, lorsque Roland accourt comme un lion et frappe Yaumont d’un coup mortel. Or Yaumont avait une épée admirable nommée Durendal : elle appartiendra désormais à Roland, ainsi que le bon cheval Veillantif. (B. N. ms. Lavall., p. 123, f° 41 v°-55 v°.) Et nous les retrouverons l’un et l’autre dans le vieux poëme dont nous donnons ici une nouvelle édition. ═ 2° La Chanson de Roland ne donne aucun détail sur les enfances du héros. Mais elle nous fournit sur Durendal une légende qui ne ressemble en rien à celle d’Aspremont. Suivant la plus ancienne de nos Chansons, c’est aux vallons de Maurienne qu’un ange apparut à l’empereur Charles et lui commanda de donner cette épée surnaturelle à un vaillant capitaine... (Vers 2318-2321.) ═ 3° Et la Karlamagnus Saga (xiiie s.) ajoute que Durendal était l’œuvre du fameux Galant et qu’elle avait été donnée à Charles, par Malakin d’Ivin, comme rançon de son frère Abraham. Elle fixe d’ailleurs une date à ce passage des vallées de la Maurienne par Charles et par l’armée française. « Ce fut, dit-elle, quand l’Empereur alla en Italie rétablir la paix entre les Romains et les Lombards. » (V. la Bibl. de l’Éc. des Chartes, XXV, 101.)
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NOTES ET VARIANTES, VERS 194