Page:Gautier - La Chanson de Roland - 2.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
NOTES ET VARIANTES, VERS 96

à l’agonie et à la mort de Roland. Mais encore voyons-nous Charles prendre de loin sa part à ce martyre et accourir, terrible, pour le venger. Il est d’ailleurs, et il est tout seul, le héros de la troisième partie. Il s’y fait le vengeur de Roland sur les Sarrazins d’abord, et ensuite sur Ganelon. À la défaite de Marsile et de Baligant succède le châtiment du Traître, et le grand empereur, promenant autour de lui ses regards apaisés par tant de représailles, s’apprête enfin à se reposer, quand tout à coup la voix d’un Ange se fait entendre et lui ordonne de recommencer une nouvelle guerre contre les païens... » ═ Telle est la légende de l’expédition d’Espagne d’après nos chansons de geste. Mais cette très-populaire légende, qui est vraiment le centre de l’histoire poétique de Charlemagne, a été l’objet de variantes et de modifications très-considérables. Nous allons les faire connaître dans l’ordre de leur antiquité : 1° La « Chronique de Turpin » doit tout d’abord fixer notre attention. M. G. Paris a établi que les chapitres i-v sont l’œuvre d’un moine de Compostelle, écrivant vers le milieu du xie siècle, et que les chapitres vi et suivants, dus sans doute à un moine de Saint-André de Vienne, n’ont été écrits qu’entre les années 1109-1119... D’après le Faux Turpin, Charlemagne aperçoit un jour dans le ciel une « voie d’étoile » qui s’étend de la mer de Frise jusqu’au tombeau de saint Jacques, en Galice. L’apôtre lui-même se fait voir à l’Empereur, et le somme de délivrer son Pèlerinage, dont la route est profanée par les infidèles. Charles obéit ; il part. (Cap. ii.) Devant les Français victorieux tombent miraculeusement les murs de Pampelune ; puis l’Empereur fait sa visite au tombeau de l’apôtre, et va jusqu’à Padron. (Cap. iii.) Plein de foi, il détruit toutes les idoles de l’Espagne, et particulièrement, à Cadix, cette image de Mahomet que l’on appelle « Islam ». (Cap. iv.) L’Empereur, triomphant, élève une église magnifique en l’honneur de saint Jacques, et construit d’autres basiliques à Toulouse, Aix et Paris. » (Cap. v.) Ici s’arrête le récit primitif, qui forme un tout bien complet et caractéristique. Le commentateur du xiie siècle prend alors la parole, et, soudant tant bien que mal sa narration à la précédente, raconte tout au long (cap. vi-xiv) la grande guerre de Charles contre Agolant que nous avons déjà résumée plus haut. Le récit d’une nouvelle guerre commence au chap. xiv : Bellum Pampilonense.... « Il arrive qu’Altumajor surprend un jour une troupe de chrétiens trop avides de butin. (Cap. xv.) Une croix rouge apparaît sur l’épaule des soldats de Charles qui doivent mourir dans la guerre contre le roi Fouré : c’est l’Empereur qui a fort indiscrètement demandé ce prodige à Dieu. Ces prédestinés meurent, mais Fouré est vaincu. (Cap. xvi.) Nouvelle guerre d’Espagne. Cette fois, c’est la plus célèbre, c’est celle de nos Chansons : Roland lutte à Nadres contre le géant Ferragus et en triomphe. (Cap. xvii.