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NOTES ET VARIANTES, VERS 96

assez reconnaissants de cette hospitalité, et se livrent, pendant toute une nuit, à des plaisanteries, à des gabs, où l’empereur et l’empire d’Orient sont fort insolemment traités. Ces forfanteries sont rapportées à Hugon, qui s’irrite contre les Français et les met en demeure de réaliser leurs gabs. (Ibid., 446-685.) C’est alors que Dieu envoie un ange au secours de Charles fort embarrassé ; c’est alors aussi que les plaisanteries des douze Pairs reçoivent, malgré leur immoralité, un commencement d’exécution. Hugon se déclare satisfait et tombe aux bras de Charles. (Ibid., 686-802.) Bref, la paix est faite, et Charles peut enfin partir en Occident. Il rapporte en France les reliques de la Passion. » (Ibid., 803-859.) ═ Cependant Olivier, pendant la fameuse nuit des gabs, avait déshonoré la fille de l’empereur Hugon, et en avait eu un fils. C’est ce fils, du nom de Galien, qui se met plus tard à la recherche de son père et qui le retrouve enfin sur le champ de bataille de Roncevaux, au moment où l’ami de Roland rend le dernier soupir. (V. le roman en prose de Galien, Bibl. de l’Arsenal, 226, analysé dans le t. II des Épopées françaises, pp. 282-287. Cf. les éditions de Galien le rhétoré, 1500, Verard, etc.) ═ La légende du voyage de Charlemagne à Jérusalem et à Constantinople n’apparaît pas avant le Benedicti Chronicon, œuvre d’un moine du mont Soracte, Benoît (mort vers 968), qui s’est contenté de falsifier un passage d’Eginhard, en substituant le mot Rex aux mots : Legati regis. Nous avons été le premier à le démontrer. (Épopées, II, 265, 266.) ═ D’après une légende latine anonyme, composée vers 1060-1080 (Descriptio qualiter Carolus Magnus clavum et coronam Domini a Constantinopoli Aquisgrani attulerit qualiterque Carolus Calvus hæc ad Sanctum Dionysium retulerit), le Patriarche de Jérusalem est chassé de sa ville par les Sarrazins, et vient réclamer l’aide de l’empereur d’Orient. Mais c’est à Charles qu’est réservée la gloire de venger la cause de Dieu. Un songe en avertit l’empereur de Constantinople, et celui-ci en prévient tout aussitôt le roi des Franks. Sans hésiter, il part, il arrive en Terre-Sainte, y est miraculeusement protégé, bat les païens et délivre Jérusalem. Pour prix d’un tel service, il demande les saintes reliques. On les lui délivre, et vingt miracles attestent l’authenticité du saint suaire, des langes et surtout de la sainte couronne : les aveugles voient, les sourds entendent, les malades sont guéris. Chargé de ce trésor, Charles revient en France. ═ La « Chronique de Turpin » ne fait à ce fameux voyage qu’une allusion en passant. (Cap. xx.) ═ La légende, dès lors, se répand partout avec une autorité de plus en plus considérable. Pierre Comestor fait honneur à Charlemagne de la translation à Charroux d’une relique célèbre. Gui de Bazoches (fin du xiie siècle) dit que Charlemagne est réellement l’auteur de la première croisade, et cette idée est répétée par Hélinand,