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NOTES ET VARIANTES

rir avec eux. » Puis Roland s’élança au milieu des armées païennes, et, durant une petite heure, il leur tua plus de vingt-quatre guerriers ; et il disait : « Fuyez arrière, chiens de païens : vous n’aurez jamais la victoire sur moi ! » Le roi Marsilius, alors, piqua un chrétien, nommé Begun, au milieu de ses épaules, si bien qu’il en tomba mort à terre. Roland n’était pas loin, car il dit au roi Marsilius : « As-tu entendu nommer une épée qui s’appelle Durendal ? Tu vas savoir quel goût elle a. » Et il lui coupa le bras tout au ras de l’épaule ; puis Roland fit le moulinet de son épée et trancha la tête des fils du roi Marsilius. Alors les païens dirent : « Nous allons maintenant nous mettre à fuir, car Roland nous a vaincus. » Et ainsi s’enfuit le roi Marsilius avec un millier d’hommes, et aucun d’eux n’était sans blessure.

Puis vint un païen, nommé Langelif, avec soixante mille hommes noirs, qui combattirent vaillamment contre les chrétiens. Roland alors dit à Oliver : « Ces gens vont causer notre mort. Défendons-nous vigoureusement, pour que ces hommes noirs puissent dire qu’ils ont trouvé Roland et Oliver ! » Langelif piqua Oliver entre les épaules, si bien que la pointe sortit par la poitrine, et dit : « Misérable, viens ici te coucher pour garder le pays ! » Oliver se retourna et frappa Langelif sur son casque, de façon que son épée lui entra dans les dents, et il dit : « Tu ne te vanteras pas de ce que tu viens de faire. » Et Langelif roula mort à terre. Oliver s’élança au milieu des troupes païennes ; il frappait des deux mains ; Roland le rencontra, et Oliver ne le reconnut point, parce que ses yeux étaient pleins de sang ; il frappa sur le casque de Roland, et le fendit jusqu’aux cheveux. Alors Roland dit : « Oliver, ne frappe pas ici, mais là-bas, où c’est plus utile. » Oliver répondit : « Dieu te voie mieux que je ne te voyais : pardonne-le-moi pour Dieu ! » Roland répondit : « Que Dieu te pardonne tes offenses, comme je te pardonne celle-ci de bon cœur ! » Oliver sentit que la mort allait venir ; aussi descendit-il de cheval et tomba-t-il à genoux. Il pria Dieu de lui pardonner ses péchés, et aussitôt se trouva mort.

Lorsque Roland vit qu’Olivier était mort, il se pâma sur son cheval ; cependant il ne tomba pas à terre. Les chrétiens étaient là tous tués, excepté Roland, Turpin l’archevêque, Volter, fils de la sœur de l’Archevêque et Irot. Le vieux Irot dit à Roland : « Secours-moi ! Je n’ai jamais eu peur dans aucun combat avant ce jour. » Roland se retourna et commençait à combattre, quand Volter et Irot furent tués. Alors Roland entendit le cor de l’Empereur, et les païens dirent : « Voilà que nous entendons le cor de l’Empereur. Dépêchons-nous maintenant de mettre à mort Roland, avant que l’Empereur arrive ! » Et aussitôt sept cents, tous ensemble, lui coururent sus ; mais Roland et l’archevêque Turpin se défendirent rudement : « Nous