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NOTES ET VARIANTES

était besoin : nous supporterons et souffrions tout ce qu’il plaira à Dieu de nous faire. Piquez bravement de la lance et de l’épée ; tranchez de vos glaives. Je trancherai, moi, de mon épée, si bien que chrétiens et païens diront qu’un homme en tenait la poignée. » L’archevêque Turpin, monté sur son coursier, tout armé, leur dit : « Chers amis, ce combat, nous l’allons supporter. Tombez à genoux. Je vous donne l’absolution de tous vos péchés, et chacun de vous qui mourra sera un martyr de Dieu. Et je vous impose, comme pénitence et expiation pour vos péchés, que vous combattiez vaillamment contre les païens. » L’archevêque Turpin prononça sur eux sa bénédiction ; après quoi, les Français montèrent sur leurs chevaux. Et Olivier dit à Roland : « Tu dois voir maintenant que Gevelon nous a vendus pour tout cet or et cet argent qu’il a rapporté avec lui. L’Empereur en tirera vengeance sur le traître, si nous ne pouvons le faire nous mêmes. » Roland courut sus aux païens, et tous les Français avec lui.

Adelrot dit aux soldats chrétiens : « Comment êtes-vous assez hardis pour oser nous attendre ? L’Empereur a agi comme un insensé en vous laissant ici derrière lui. À cause de vous, la France va perdre de sa grandeur. » Roland entendit ces paroles ; il frappa d’estoc sur son casque et le pourfendit jusqu’à la ceinture, tellement qu’il en roula mort à terre ; après quoi Roland dit : « Tiens, méchant païen, la France ne perdra pas son prix à cause de moi ! »

Alors les hommes de France coururent sus durement. Falsaron, frère du roi Marsilius, était large d’un pied entre les deux yeux. Oliver frappa de taille sur son casque, et le pourfendit jusqu’à la poitrine, et dit : « Je te fais voir ce qui se passe en enfer. Et maintenant en avant, hommes de France, en avant ! Nous trouverons la victoire aujourd’hui ! » Le roi Corsablin dit aux païens : « En avant et courage ! les chrétiens ne sont qu’une poignée en face de nos gens. » L’archevêque Turpin le piqua entre cuirasse et ventre, et l’envoya si loin de son cheval, qu’il en tomba mort à terre. Engeler le fier soutint un rude choc ; Geris aussi soutint un fier combat. Le duc Samson trancha un païen qui tomba mort à terre, le sabre étant entré dans la selle. Et l’archevêque Turpin dit : « C’était vaillamment tranché. » Chacun des douze Pairs abattit un guerrier au premier engagement. L’agile comte Margaris piqua Oliver entre écu et harnais, et l’écu ne fut point retiré (?) ; car il avait éprouvé un grand dommage. On se serra de près des deux côtés. Roland s’élança comme un lion au milieu de l’armée ennemie ; ses bras étaient couverts de sang jusqu’à l’aisselle ; pas un casque ne tenait sous ses coups. Oliver, lui, avait brisé son glaive ; il frappa un païen sur son casque avec le marteau (?) qui lui restait