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NOTES ET VARIANTES

ses adversaires. On dit aussi que l’empereur Karlamagnus eut depuis plusieurs guerres, et remporta rarement la victoire ; mais il conserva ses États tout entiers jusqu’au jour de sa mort. Ainsi finit cette branche (de la Saga).


II. — Traduction de la Keiser Karl Magnus’s Kronike.


L’Empereur ayant soumis l’Espagne et la Galice, ainsi qu’il a été dit plus haut, il restait néanmoins encore un château qu’il n’avait pu réduire. On l’appelait Saragus, et il était situé sur une montagne élevée. Il avait un roi qui se nommait Marsilius et qui était païen. Marsilius dit à son conseil : « Voilà l’empereur Charlemagne qui vient ravager notre pays ; arrêtons de bonnes résolutions. » Un roi qui se nommait Blankandin lui répondit (il était vieux et sage) : « Ne craignez pas, seigneur, lui dit-il ; mais écrivez à l’Empereur que vous voulez devenir son homme lige et embrasser la foi chrétienne, et faites-lui de riches présents. L’Empereur est vieux et se reposerait volontiers, s’il le pouvait. S’il désire quelque otage, envoyez-lui mon fils et le vôtre ; il vaut mieux perdre deux hommes que nous perdre tous avec tous nos domaines. » Tous dirent que c’était un bon conseil.

L’Empereur, étant en Espagne, assiégeait un château appelé Flacordes ; l’envoyé du roi Marsilius y vint et exposa son message, disant que le roi Marsilius voulait passer en France pour voir l’Empereur, se constituer son vassal et lui rendre hommage pour l’Espagne. L’Empereur, ayant lu la lettre, donna l’assaut au château de Flacordes ; il l’emporta du coup et tua tous ceux qui ne voulurent pas se faire chrétiens. Puis il réunit son conseil et fit lire devant lui la lettre de Marsilius. Quelques-uns dirent qu’il fallait s’en rapporter à cette lettre ; c’étaient ceux qui auraient bien voulu s’en retourner chez eux. Ils prièrent l’Empereur d’accepter les otages. Mais Roland dit à l’Empereur : « Si vous vous fiez à la lettre du roi Marsilius, vous vous en repentirez tant que vous vivrez ; vous savez bien que c’est un homme faux. Nous avons conquis toute l’Espagne ; conquérons aussi maintenant ce seul château qui reste, avant de partir d’ici. D’ailleurs Marsilius ne peut pas se défendre contre vous ; les hommes d’Afrique et les Turcs sont tous battus, et il ne peut recevoir d’eux aucun secours. Marchons sur Saragus et ne désemparons pas que nous n’ayons tué Marsilius, ou qu’il ne soit chrétien ! »

Le comte Gevelon, beau-père de Roland, se leva ensuite et dit à l’Empereur : « Il me semble que les paroles de Roland ont plus d’emportement que de sagesse. Le roi Marsilius vous offre son hommage