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NOTES ET VARIANTES, VERS 8-9

Bibliothèque bleue répand encore aujourd’hui dans nos campagnes les plus reculées. ═ Tous ces documents, sans exception, font mourir Marsile soit à Roncevaux, soit peu de temps après cet immense désastre. Mais un trouvère du xiiie siècle a voulu prolonger cette existence. C’est l’auteur d’Anséis de Carthage qui fut suivi par le rajeunisseur en prose du Charlemagne et Anséis. (Bibl. de l’Arsenal, B. L. F. 214.) « Anséis est, comme on le sait, nommé roi d’Espagne par Charles, qui peut enfin quitter l’Espagne et retourner en France. (B. N. ms 793, f° 1-2.) Le jeune roi fait aussitôt demander en mariage la fille de Marsile, Gaudisse. (Ibid., f° 2-4.) Mais tandis que la jeune païenne accourt à ces noces, Anséis déshonore, malgré lui, la fille du comte Isoré, son tuteur, et Gaudisse est renvoyée à son père. Inde iræ. (Ibid., f° 4-14.) Marsile alors entreprend une guerre d’extermination contre les chrétiens d’Espagne, et son principal allié est le comte Isoré lui-même, jaloux de venger le déshonneur de sa fille et dont la colère a fait un renégat. Rien n’est plus long que le récit de cette guerre. (Ibid., f° 14-56.) Anséis y eût succombé sans le secours de Charlemagne, qui traverse miraculeusement les eaux de la Gironde, entre en Espagne, y défait Marsile (Ibid., f° 59-71) et l’emmène prisonnier en France, où, pour venger Roncevaux, il finit par lui faire couper la tête. » (F° 71-72.) Cette dernière mort de Marsile est racontée assez pittoresquement par notre poëte… « Marsile s’étonne de voir à la table de Charlemagne des pauvres si déguenillés et des moines si maigres auxquels on fait si peu d’honneur, tout à côté de chanoines si gras et entourés de tant d’hommages. Et ce spectacle le scandalise, au point qu’il refuse absolument de se convertir à la foi chrétienne. C’est alors que Charles se décide à le faire mourir. » Cette « histoire des pauvres » se retrouve, d’ailleurs, dans le Traité de saint Pierre Damien : De Eleemosyna, et dans la Chronique de Turpin. Mais le faux Turpin a fait honneur de ce trait à Agolant, et saint Pierre Damien à Witikind. C’est, en réalité, une de ces légendes universelles et qu’on retrouve un peu partout sous des formes quelque peu différentes. ═ Quoi qu’il en soit, Marsile est cette fois bien mort, et aucun poëte n’a plus eu désormais l’audace de le ressusciter.

Vers 8.Mahummet. O. La forme la plus fréquemment employée dans notre texte est : Mahumet.

Vers 9.Mals. Ce mot vient de malum, qui est un neutre, et cependant il est écrit suivant la règle de l’s. C’est l’occasion pour nous d’établir la « Théorie des neutres ». ═ 1° Les neutres latins, dans la latinité populaire et surtout à la décadence romaine, étaient en partie devenus masculins. C’est un fait que M. Brachet a mis de nouveau en lumière dans sa Grammaire historique, p. 56. Il cite « dans Plaute :