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NOTES ET VARIANTES, VERS 7

poëte n’hésite point à faire mourir son Marsile à la fin de la Chanson, et de la main d’Otinel. (2660-2132.) ═ Le Karl Meinet (compilation du xive siècle, conçue il peu près dans le même goût que le Charlemagne de Girart d’Amiens) ne donne pas aussi rapidement le coup de mort à Marsile. L’auteur nous y représente « Ospinel » comme un roi de Babylone qui, après avoir défié les douze Pairs, lutte avec Olivier. Mais le Sarrazin se convertit et meurt après s’être fait baptiser. Or, il était fiancé à la fille du roi Marsile, à Magdalie. Celle-ci veut le venger, mais tombe au pouvoir de Roland et s’éprend trop rapidement du héros chrétien. Roland ne répond que trop facilement à cette trop ardente affection, et il faut qu’Olivier sépare violemment la fille de Marsile et le fiancé de la belle Aude. (G. Paris, d’après Ad. Keller, Histoire poétique de Charlemagne, pp. 489-496.) ═ Quoi qu’il en soit, tous les poëtes et tous les légendaires s’obstinent, malgré l’auteur d’Otinel, à faire vivre Marsile plus longtemps, et il convient, d’ailleurs, de considérer ce poëme comme une œuvre de la décadence. ═ En réalité, c’est dans l’Entrée en Espagne que le véritable Marsile se fait pour la première fois connaître. C’est contre Marsile que la grande expédition d’Espagne est dirigée. Il apprend par ses espions l’arrivée des Français, et, comme il est bon nigromans, écrit sur les bords d’un grand vase rempli d’eau les noms de tous les règnes de la terre ; puis, il place un batelet sur cette eau : « Le royaume vers lequel se dirigera ce petit vaisseau, sera celui que Charlemagne a l’intention de conquérir. » Le batelet s’arrête du côté de l’Espagne : Marsile pâlit d’effroi. (L’Entrée en Espagne, compilation poétique du commencement du xive siècle, mais renfermant quelques éléments du xiiie ; mss. fr. de Venise, n° xxi, f° 7.) Le roi païen envoie alors un bref à Charles, et ce « bref » commence tout comme un diplôme ou une lettre patente de la Chancellerie du roi de France (Nos, Marsile, par la Dex grace, etc.). La guerre éclate à la suite d’une très-fière réponse de l’Empereur, et c’est à son neveu Ferragus que Marsile confie le soin de chasser les Français. (Entrée en Espagne, f° 8-11.) Ferragus est un géant : il défie les douze Pairs, surtout Olivier et Roland. Les terribles duels commencent sur-le-champ, et onze Pairs sont vaincus et faits prisonniers. Roland, seul, reste invaincu. (Ibid., f° 11-31.) Mais Roland suffit, et, après un combat très-long, il renverse et tue le Géant. (Ibid., f° 31-79.) Marsile est attristé, mais non pas découragé de cette mort de son neveu : Malceris, en effet, résiste aux Français sous les murs de Pampelune, et son fils Isoré s’y couvre de gloire. (Ibid., f° 90-102.) Mais, malgré tant de courage, le jeune païen est fait prisonnier, et eût été mis à mort sans la généreuse intervention de Roland. (Ibid., f° 102-125.) Cependant Marsile et Malceris vont unir leurs efforts contre les Français, et