rôle si considérable dans la tradition, est encore à identifier. » (Revue critique, 1869, no 37, p. 174.) « Pour le mot Nobles, dit M. P. Raymond, il faut observer que le château d’Orthez a porté le nom de Nobile : Castrum quod dicitur Nobile. (Texte de 1286. — V. le Dictionnaire topographique du département des Basses-Pyrenées, au mot Moncade.) Non loin d’Orthez, au N.-E., il y a une colline surmontée d’un camp retranché qui nous a toujours paru remonter au ive ou ve siècle. Cette colline s’appelle la Motte de Turry, et ses défenses naturelles sont vraiment formidables. Enfin, il ne faut pas oublier qu’Orthez est sur une voie romaine, et que c’est le chemin forcé du gave de Pau. Deux piles du pont actuel sont du xie-xiie siècle, et les traces du pèlerinage de saint Jacques y remonteraient, suivant M. V. Leclerc, au ixe siècle. » (Mémoire manuscrit de M. P. Raymond.) Il nous est difficile d’admettre ici les conclusions de M. Raymond. D’après tous nos poëmes et toutes nos légendes, Nobles est placé en Espagne. ═ Quant à la prise de cette ville par Roland, elle a donné lieu à quatre ou cinq récits différents : 1° Dans l’Entrée en Espagne, Roland abandonne Charlemagne au milieu d’une épouvantable bataille contre les Sarrazins. Il s’échappe avec les onze autres pairs et vingt mille Français : c’est qu’un de ses espions vient de lui apprendre que la ville de Nobles est sans défense. Il la surprend, il s’en empare. Le vieux Gilaru est tué ; un autre chef païen, Filidès, se convertit, et Roland lui fait présent de la ville conquise, qu’il a d’abord, mais en vain, proposée à Olivier. C’est au retour de cette équipée qu’il est frappé, par son oncle indigné, d’un coup de gant au visage ; c’est alors qu’il quitte le camp français et fait son voyage en Orient. (Ms. fr. de Venise, n° xxi, fo 177, r°. — 217 v°.) — 2° La Karlamagnus Saga raconte les choses tout autrement. Olivier et Roland s’emparent de Nobles sur l’ordre de Charlemagne ; mais ils mettent à mort le roi Fouré, que l’Empereur leur avait ordonné d’épargner. Puis ils cherchent, mais en vain, à effacer les traces de ce sang. Charles s’aperçoit de la désobéissance de son neveu, et lui donne ce coup de gant, si célèbre dans notre légende épique. (Karlamagnus Saga, I, 51, 52.) Cette version paraît être la plus ancienne, et c’est la seule qui soit en parfaite corrélation avec un passage très-discuté de notre Chanson de Roland : Ja prist il Noples seinz le vostre comant... — Puis, od les ewes lavat les prez de l’ sanc : — Pur ce le fist ne fust aparissant. (V. 1775-1779.) 3° Un autre récit nous est offert par la même Saga, mais dans une autre branche. Charles et Roland assiégent Nobles depuis trois ans ; Charles se décourage, son neveu s’obstine, et l’Empereur le punit de cette obstination en le frappant d’une façon déshonorante. (5e br. Guitalin.) ═ 4° Enfin, les Chroniques de Saint-Denis, continuant le Faux Tur-
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NOTES ET VARIANTES, VERS 1775