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NOTES ET VARIANTES, VERS 994

avant nous de ces vêtements, et les auraient fabriqués avec une certaine perfection que les chrétiens purent imiter. De là peut-être, dans notre poëme, la célébrité des osbercs sarazineis. Quoi qu’il en soit, et quelque soit ailleurs le sens de ce mot, la brunie de la Chanson de Roland est absolument et uniquement un haubert, un vêtement de mailles parfait. Il se termine en haut par le capeler, ou capuchon de mailles qui se lace au haubert. (Vers 3432 et suivants.) Il s’attache sur le menton, qu’il préserve, et cette partie de la brunie s’appelle la « ventaille » : De sun osberc li rumpit la ventaille. (Vers 1298, 3449.) Quant à la chemise en elle-même, il ne nous reste malheureusement aucune indication dans notre poëme qui nous apprenne jusqu’à quelle partie du corps elle descendait. C’est un précieux élément de critique qui nous fait ici défaut. ═ Les épithètes que notre poëte donne le plus volontiers au haubert sont celles-ci : blancs (vers 1022, 1329, 1946, 3484), forz (3864), legers. (2171, 3864.) Les mailles sont très-distinctement indiquées. Elles sont de différentes qualités. Quelquefois fines : Le blanc osberc dunt la maile est menue. (Vers 1329.) D’autres fois (ce qui peut d’ailleurs se concilier avec la finesse), elles sont doubles : De sun osberc li derumpit les dubles. (Vers 1284.) Païen s’adubent d’osbercs sarazineis. — Tuit li plusur en sunt dublez en treis. (Vers 994, 995.) Brunies dublées (vers 711, d’après le texte de Venise), ou dubleines. (Vers 3088.) Enfin, il importe de signaler l’épithète de jazezanc, donnée à ce même haubert. Or jazezanc signifie : « qui est fait de mailles. » (Voir notre Glossaire.) Du reste, quand notre poëte veut exprimer que le haubert est mis en pièces, il se sert du mot desmailer. (Vers 3387.) ═ Dans la Chanson de Roland, le haubert est fendu. Deux fentes le partagent en deux pans, dont il est souvent question dans le poëme. Ces fentes étaient pratiquées non pas sur les côtés, mais sur le devant et le derrière du vêtement. Et c’est ainsi qu’il faut comprendre ce vers : De son osberc li derumpit les pans. (Vers 1300, 1553, 3571, 3465, etc.) ═ Les pans du haubert étaient parfois ornés, à leur partie inférieure, d’une broderie grossière en or, ils étaient saffrés : Vest une bronie dunt li pans sunt saffret. (Vers 3141.) De sun osberc les dous pans li desaffret. (V. 3426. V. aussi 3307, 1453, 1032, 2949, etc.) Cet ornement (consistant peut-être en fils d’or entrelacés dans les mailles, sur une surface peu étendue et formant une bande) ne se trouvait, semble-t-il, que sur les hauberts des grands personnages, des pairs et des comtes...

L’écu (voir les fig. 8 et 9) était alors voutis, c’est-à-dire « cambré ». Il était énorme, de façon à couvrir presque tout le cavalier, quand il était monté. Sa forme nous est clairement indiquée par les monuments figurés. ═ L’écu était fait avec du bois qu’on avait cambré