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NOTES ET VARIANTES, VERS 706

land ». (Ce carrefour est sur la commune d’Orion ; il était ainsi désigné, au moins dès le xviie siècle.) D’ailleurs, on retrouve le nom de Roland sur tous les chemins de ce pays. Dans la commune d’Itzassou, il y a le Pas-de-Roland, etc. etc. Toutes ces localités, qui sont voisines de Roncevaux en Navarre, ayant gardé de tels souvenirs de Roland, on a tout au moins une présomption en faveur de la situation de Roncevaux en Navarre. ═ À ces arguments, l’école de M. d’Avril fait deux objections. Au v. 856 de la Chanson de Roland il est dit que les païens, pour surprendre l’arrière-garde française, traversèrent Tere Certeine e les vals e les munz. « Vous voyez bien, dit M. d’Avril, qu’il s’agit de la Cerdagne. » On a répondu que « la Cerdagne était alors beaucoup plus étendue, ou qu’il s’agit ici d’une autre Cerdagne. » Mais d’ailleurs, et encore une fois, il ne faudrait pas demander trop d’exactitude géographique aux auteurs de nos Chansons. Notre poëte savait vaguement qu’il y avait, non loin des Pyrénées, un pays nommé Cerdagne. Et il y fait bravement passer une armée païenne avant d’arriver aux défilés de Sizer. ═ Il en est de même de Narbonne. Quand Charlemagne rentre en France par la Gascogne et Bordeaux, il est dit que les Français passent Nerbone par force et par vigur. (V. 3683.) Or Narbonne n’est pas sur le chemin des Pyrénées à Bordeaux. Qu’en conclure ? Tout simplement que notre trouvère ignorait la géographie. Il savait, par une tradition poétique très-ancienne, que Charlemagne, en revenant de Roncevaux, s’était rendu maître de Narbonne. Et même ce récit est intercalé dans le Roland de Venise. Sans penser à mal, le poëte a donc écrit le nom de Narbonne, et peut-être les mots par force e par vigur indiquent-ils que l’auteur de notre Roland pensait vaguement à la légende d’un siége et d’une conquête par Charlemagne. Malgré tout, l’on peut admettre hypothétiquement avec M. G. Paris, qu’au lieu du mot Nerbone il y avait dans le texte original un nom de fleuve, et le mot passent s’expliquerait mieux d’après cette supposition. Enfin M. P. Raymond nous soumet une autre hypothèse : « Dans une bulle de Célestin III (vers 1187, 1171), l’église de Narbone, aujourd’hui Arbone, est citée près de l’église de Saint-Jean-de-Luz. » (Archives des Basses-Pyrénées, Cart. de Bayonne, dit le Livre d’Or, f° 52.) Et l’on trouve encore en 1303 le nom de Narbonne attaché à la même localité. (Testament de Dominique de Mants, évêque de Bayonne. Études historiques sur Bayonne, par Balasque, II, 573 et suiv.) En résumé, nous osons préférer notre propre système pour expliquer ce vers, et nous mettons volontiers cette erreur sur le compte de l’ignorance de notre poëte.

IV. Le retour de Charlemagne en France. M. Gaston Paris a très-clairement exposé la marche et énuméré les étapes de Charlemagne, de-