Page:Gautier - La Chanson de Roland - 2.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
NOTES ET VARIANTES, VERS 706

une note de sa Chanson de Roland. (P. 277 de l’éd. in-12.) Frappé de ce double fait que les Français passent par Narbonne à leur retour en France (v. 3683), et que les Sarrazins, au moment de fondre sur l’arrière-garde chrétienne, chevauchent par tere Certeine e les vals e les munz (v. 856), M. d’Avril n’a pas craint de formuler ses conclusions en ces termes : « Le détail de ce voyage de Charles et la mention de la Cerdagne indiquent que le lieu du désastre, d’après notre poëme, serait la Cerdagne. C’est sur cette route que l’on trouve une localité appelée la Tour de Karl. On se serait donc trompé en cherchant le Roncevaux de Roland dans le Roncivals qui existe sur la frontière de la Navarre. » ═ Un tel système devait trouver de nombreux contradicteurs : MM. P. Raymond, G. Paris et François Saint-Maur répondirent à M. d’Avril. M. P. Raymond le réfuta dans un article de la Revue de Gascogne (septembre 1869, t. X, p. 365) ; M. G. Paris, dans la Revue critique (11 septembre 1869, n° 37) ; M. François Saint-Maur, dans une brochure intitulée : Roncevaux et la Chanson de Roland, simple réponse à une question de géographie historique. La question nous paraît aujourd’hui suffisamment éclairée, et il est très-nettement démontré que le Roncevaux de notre épopée est celui de la Navarre. ═ Premier argument. — Charlemagne, d’après notre Chanson, traverse plusieurs fois les ports ou défilés de Sizer (vers 583, 719, 2939), et il est aisé de voir que Sizer, d’après les assonances, doit se prononcer « Sizre ». Ces mêmes défilés sont appelés Cisre dans le manuscrit de Venise ; Portus Ciserei dans la « Chronique de Turpin » ; Portæ Cæsaris dans la Kaisercronik. Or il ne peut être douteux pour personne, après le travail de M. P. Raymond, que ces ports de Cizer ou de Cizre, ces portus Ciserei, ces portæ Cæsaris ne soient identiques avec cette partie de la Navarre française qui touche à Roncevaux et qui s’appelle encore aujourd’hui du nom de Cize. C’est ce même pays qui, dans une charte de 980, s’appelle Vallis Cirsia, qui, au xiie siècle, reçoit les noms de Cycereo, Sizara, Cizia, Cisera, Cisara, et que l’historien arabe Edrisi appelle en 1154 « la porte de Cizer », qui, au commencement du xiiie siècle, se nomme Ciza ; Cizie, en 1253 ; Cisia, en 1302 ; Sisie, en 1472. Et M. P. Raymond ajoute : « La voie romaine d’Astorga à Bordeaux traversait la vallée de Cize, qui correspond au val de Roncevaux en Espagne. » Le doute n’est plus possible, et, notre vieux poëme ne séparant pas Roncevaux des défilés de Sizer, il faut conclure que, ces derniers étant en Navarre, l’action de notre Chanson s’est passée en Navarre. ═ Deuxième argument. — La partie de la Navarre espagnole qui longe le pays de Cize s’appelle encore aujourd’hui le Val Carlos. Cette appellation est ancienne, et M. Raymond cite des textes de 1273 et 1333