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INTRODUCTION

les transcrire telles qu’elles sont dans mon vieux manuscrit : honni soit qui mal y pense ! »

Et voilà sans doute pourquoi, dans certains remaniements du Roland[1], nous pouvons lire çà et là un certain nombre de couplets primitifs. Heureuse faute, et à laquelle nous devons plus d’un précieux fragment de la version originale !

Le premier travail du remanieur portait sur le couplet épique ; le second a seulement le vers pour objet… Donc le rajeunisseur vient d’adopter, pour toute une strophe de son remaniement, une rime qui se rapproche plus ou moins des assonances du texte original. C’est bien ; mais il faut maintenant qu’il reprenne en sous-œuvre tous les vers de l’ancien couplet, et il faut qu’il les refasse ou tout au moins qu’il les modifie un par un, pour leur donner la rime voulue. Si, par exemple, il a pour son premier couplet adopté une rime en aigne, comment pourrait-il laisser dans son refazimento un vers tel que le suivant : Mur ne citet n’i est fremés à fraindre[2] ? Il lui faut le refaire et l’adapter à la rime qu’il a choisie. Le rajeunisseur alors se frappe le front, et, tout inspiré, enfante le vers suivant : Ne mur tant aut qu’à la terre n’enfraigne[3].

  1. C’est le texte de Paris qui a conservé le plus de ces couplets de la première rédaction. On n’y trouve pas moins de vingt laisses féminines qui ont été empruntées en totalité au texte primitif (ce sont celles qui, dans l’édition de F. Michel, portent les nos 205, 237, 240, 241, 243, 255, 259, 260, 264, 308, 314, 317, 318, 320, 321, 322, 324, 326, 327, 328. Elles correspondent aux couplets de texte d’Oxford, qui, dans l’édition de Th. Muller, sont précédés des nos 159, 189, 190, 192, 206, 211, 212, 217, 253, 258, 261, 262, 264, 265, 266, 268, 270, 271, 272). Quatre autres strophes féminines n’ont été copiées qu’en partie sur la version originale : les 186e, 219e, 248e, 286e, sans parler ici d’un certain nombre de vers antiques qui çà et là ont été conservés intacts. — Les anciennes laisses masculines reproduites d’après le texte primitif apparaissent plus rarement dans la version de Paris : ce sont les nos 189, 257, 258, 262, 307, 312, 313, 315, 323, 325, 329 (Oxford, 147, 209, 210, 214, 252, 256, 257, 259, 267, 269, 273), et en partie les strophes 196 et 250. Pour la tirade 157, il y a doute. — On voit, d’après cette statistique, de quelle ressource un tel remaniement peut être, même pour un éditeur du texte primitif. (Cf. dans le remaniement de Versailles les laisses 77, 78, etc. etc.)
  2. Oxford, v, 5.
  3. Versailles, v, 6.