encore. Deux vers, insérés dans le premier Supplément de la Chronique[1], portent les traces évidentes de la versification latine des xie et xiie siècles[2]. Puis, au chapitre xviii, il est question de la « terre du Portugais ». Ce dernier mot n’ayant pas été rencontré jusqu’ici dans un document antérieur à 1069, il faut croire que notre chronique elle-même n’est pas de beaucoup antérieure à cette date, ou qu’elle est plus récente ; et nous voilà parvenus à la seconde moitié du xie siècle. Nous respirons maintenant plus à l’aise ; car déjà sans doute la Chanson de Roland est écrite, et le faux Turpin, qui d’ailleurs parle très-nettement des Chansons de geste[3], nous apparaît visiblement comme un imitateur, comme un copiste.
Cependant ne nous désespérons pas, et allons plus avant. Une lettre de Geoffroy, prieur du Vigeois, nous montre, en 1180, un exemplaire du faux Turpin entre les mains d’un clerc français ; mais l’exemplaire est déjà tout usé et à moitié effacé par le temps… Dans cette fameuse compilation que l’empereur Barberousse fit écrire pour préparer la canonisation de Charlemagne, tout le Faux Turpin est entré, et c’est un des éléments le plus considérables du Recueil. Or, nous connaissons la date de cette compilation : elle est de 1165. Donc, l’œuvre attribuée à Turpin est antérieure à 1165. Or, nous venons d’établir tout à l’heure qu’elle est postérieure à la première moitié, aux deux premiers tiers du xie siècle…
Telles étaient nos conclusions, et nous ajoutions : « C’est entre 1060 et 1160 que nous placerons la rédaction de la chronique du faux Turpin. Pour mieux dire, elle appartient, suivant nous, à la fin du onzième siècle, ou plutôt au commencement du douzième. »
- ↑ Suivant M. G. Paris, ce premier Supplément est de la même main que les chapitres VI-XXXII.
- ↑ Voici ces deux vers : Qui legis hoc carmen Turpino posce juvamen, Ut pietate Dei subveniatur ei.
- ↑ « Ogerius, dux Daciæ… De hoc canitur in cantilena usque in hodiernum diem, quia innumera fecit mirabilia. » (Cap. xi.)