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INTRODUCTION

saxon. Mais on peut toujours supposer (bien que ce soit ici fort improbable) que le dialecte d’un manuscrit est le fait du copiste, et non point de l’auteur. C’est dans le fond, et non dans la forme de la Chanson, qu’il convient donc de chercher ici quelque lumière...

Je ne sais si je suis le premier à remarquer la place considérable qu’occupent, dans notre poëme, la fête, l’invocation, le souvenir de Saint-Michel du Péril[1]. Il s’agit ici, comme je l’ai démontré ailleurs, du fameux Mont-Saint-Michel, près d’Avranches, et de la fête de l’Apparition de saint Michel in monte Tumba, qui se célébrait le 16 octobre. Que cette fête se soit, comme l’avance Mabillon, « célébrée jadis dans toute la seconde Lyonnaise, dans un nombre considérable d’églises et jusqu’en Angleterre, » je le veux bien. J’ajouterai même que ce très-célèbre pèlerinage se trouve mentionné en d’autres romans ; que dans Acquin, on voit Charlemagne y aller faire ses dévotions, et que, dans les Lorrains, on lit ces mots : « Du cap de Saint-Vincent au mont Saint-Michel et à Germaise sur le Rhin[2], » qui servent à indiquer une étendue considérable. Mais j’insiste sur le rôle bien autrement important que joue le mont avranchin dans notre vieille Chanson. Il n’y est pas cité une fois en passant, et comme par hasard. C’est à la fête de saint Michel de Péril[3] que Charles, dans une cour extraordinaire, doit recevoir l’hommage et la conversion de Marsile. Telle n’est point la date que nos autres romans fixent aux Cours plénières de Charlemagne et aux grandes solennités royales. Le 16 octobre ! Il n’y a rien là qui rappelle les Champs de Mars ou de Mai ; rien qui ressemble à ces cours de Pâques ou de la Pentecôte dont il est tant de fois question dans nos vieux poëmes. Le 16 octobre ! On ne trouverait pas cette date une autre fois dans toute notre Épopée. Je passerai rapidement sur ce vers : De saint Michel de Paris jusqu’as Seinz, que je pro-

  1. V. la note du vers 37.
  2. Garin le Loherain, traduction de P. Paris, dans la Collection Hetzel, p. 184.
  3. Vers 37, 53, 152.