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HISTOIRE D’UN POEME NATIONAL

donner, finir une œuvre, ou bien encore, en grammaire, conjuguer un verbe, et, par extension, raconter tout au long une histoire, une geste, etc. Tels sont les deux sens principaux de ce vocable français qui, comme le latin declinare, a été employé assez vaguement en des acceptions assez diverses. La première de ces deux significations nous paraît la meilleure. Qu’en conclure ? Il est possible qu’un Turold ait achevé la Chanson de Roland. Mais est-ce un scribe qui a achevé de la transcrire, un jongleur qui a achevé de la chanter, un poëte qui a achevé de la composer ? Tout au moins il y a doute. »

Rien n’est, d’ailleurs, plus commun que ce nom de Theroulde, Therold, Touroude. M. Génin l’avoue de fort bonne grâce, et M. F. Michel en a cité de nombreux exemples en Angleterre et en Normandie[1]. Le fameux abbé de Peterborough[2] n’a donc pour lui, au milieu de tant d’homonymes, que ces deux manuscrits de Roncevaux trouvés dans l’armoire de la Cathédrale de Peterborough. Il n’y a point là matière à certitude, et ce fait, encore un coup, peut fort naturellement s’expliquer de toute autre façon[3].

À défaut d’un nom certain, il serait tout au moins utile de connaître le pays où fut composée la Chanson...

Le texte d’Oxford est certainement écrit dans le dialecte normand, et sa langue n’est mélangée d’aucun élément anglo-

  1. Chanson de Roland, 1re édition, Introduction, pp. vii-viii. Encore aujourd’hui ce nom est très-commun dans les départements de la Manche et du Calvados (Thouroude à Saint-Lô, Theroude à Granville, Thouroude à Orbec, à Vire, à Saint-Jean-le-Blanc, etc. etc.). — M. F. Michel cite également (pp. 218, 219,) un grand nombre d’exemples pour prouver combien il était usuel d’employer des noms latins dans un texte roman. — Nous ajouterons que « Turoldus » est un nom unique, et que, l’usage des deux noms (noms « de baptême et de famille ») n’ayant commencé qu’à la fin du xie siècle, nous avons ici un argument de plus en faveur de l’antiquité du Roland.
  2. « Ou son père. »
  3. Le Roland n’est pas, suivant nous, l’œuvre d’un clerc, mais d’un soldat. Nous avons ailleurs développé cette idée qui, si elle est vraie, n’ajoute pas de probabilités au système de Génin. (Épopées françaises, t. I, pp. 161 et ss. — L’Idée religieuse dans la Poésie épique au moyen âge, pp. 7, 19 et suivantes,) etc.