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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

notre poëme, comme nous allons le faire voir, est évidemment plus ancien. Il faut donc aller chercher ailleurs quelque argument plus exact : il faut interroger la langue, l’archéologie et l’histoire.

Rien de moins précis que l’argument tiré de la langue. Dans telle province, en effet, la langue s’est plus rapidement formée que dans telle autre, et, à vingt ou trente ans près, on ne peut là-dessus rien établir de scientifique. Puis, on peut toujours se demander, avec M. G. Paris, si la langue d’un poëme est le fait de l’auteur ou du copiste. Comment sortir de ce problème ? Y parviendrons-nous par la comparaison de notre texte avec quelque autre mieux daté ? Les érudits allemands et français placent au XIe siècle la Chanson de saint Alexis[1] ; or, la langue de ce document est évidemment plus antique que celle de notre poëme. On y trouve des formes qui, sans parler du Dialecte, sont autrement étymologiques, autrement voisines des types latins : vithe, lethece, pedra, medra, auferm, espethe, emperethur, pulcella, cambra, contrethe, etc. Les participes féminins en ede et en ide s’y rencontrent constamment : honorede, guerpide, etc., et l’on ne trouve plus dans tout le Roland que deux ou trois exemples de ces archaïsmes. Voilà des observations de quelque valeur, et néanmoins elles ne sont pas assez nettes pour passer à l’état de conclusions scientifiques. Cherchons ailleurs.

La versification est moins concluante encore, et il serait aisé de citer, au XIe, au XIIe siècle, et même plus tard encore, des assonances aussi primitives, aussi grossières que dans le Roland.

Serons-nous plus heureux avec l’Archéologie ? D’une longue étude de toutes les armures décrites dans le Roland[2], il résulte très-clairement que ces armures sont seulement antérieures au système du « grand haubert ». Mais ce système n’ayant prévalu

  1. V. le texte donné par Bartsch en sa Chrestomathie de l’ancien français, p. 18-26.
  2. V. cette étude à notre note du v. 994.