Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/541

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
309
LA CHANSON DE ROLAND

Ils brisent, ils mettent en pièces leurs écus,
Ils dépècent leurs hauberts, ils déchirent les sangles de leurs chevaux,
Si bien que les aubes tournent et que les selles tombent à terre...
Cent mille hommes les regardent, tout en pleurs.


CCLXXXVIII


Voici nos deux chevaliers à terre ;
Vite, ils se redressent sur leurs pieds.
Pinabel est fort, léger, rapide.
L’un cherche l’autre. Ils n’ont plus de chevaux ;
Mais de leurs épées à la garde d’or pur,
Ils frappent, ils refrappent sur leurs casques d’acier.
Ce sont là de rudes coups, et bien faits pour trancher ces heaumes...
Et tous les chevaliers français de se lamenter vivement :
« Ô Dieu, s’écrie Charles, montrez-nous clairement où est le droit. »


CCLXXXIX


« — Rends-toi, Thierry, dit alors Pinabel.
« Je consens à devenir ton homme par amour et par foi,
« Et je te donnerai de mes trésors tout à souhait :
« Seulement réconcilie Ganelon avec le Roi.
« — Je n’y veux même point songer, répond Thierry ;
« Honte à moi si j’y consens !
« Que Dieu prononce aujourd’hui entre nous. »


CCXC


« Pinabel, dit Thierry, tu es un vrai baron,
« Tu es grand, tu es fort, tu as le corps bien moulé ;
« Tes pairs te connaissent pour ton courage ;