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LA CHANSON DE ROLAND


CCLXXII


La nuit passe, et le jour clair apparaît dans le ciel.
Charles garnit alors les tours de Saragosse :
Il y laisse mille chevaliers vaillants,
Qui gardent la ville pour l’Empereur ;
Puis, avec tous ses hommes, Charles remonte à cheval,
Emmenant Bramimonde captive ;
Mais il ne veut lui faire que du bien...
Les voilà qui s’en retournent pleins d’allégresse, pleins de fierté joyeuse ;
Vivement et à marches forcées ils passent par Narbonne,
Puis arrivent à Bordeaux, la grande et belle ville.
C’est là que sur l’autel du baron saint Séverin
Charles dépose l’olifant, qu’il avait rempli d’or et de mangons ;
Et c’est là que les pèlerins peuvent encore le voir.
Sur de grandes nefs l’Empereur traverse la Gironde ;
Il conduit jusqu’à Blaye le corps de son neveu,
Celui d’Olivier, le noble compagnon de Roland,
Celui de l’Archevêque, qui fut si preux et si sage.
On dépose les trois seigneurs en des tombeaux de marbre blanc,
À Saint-Romain, où maintenant encore gisent les barons ;
Et les Français les recommandent une dernière fois à Dieu et à ses saints.
Puis Charles recommence à travers les vallées et les montagnes ;
Plus ne s’arrête jusqu’à Aix.
Si bien chevauche, qu’il descend à son perron.
À peine est-il arrivé dans son haut palais,
Que par ses messagers il mande tous les juges de sa cour,
Saxons et Bavarois, Lorrains et Frisons,
Bourguignons et Allemands,
Bretons, Normands et Poitevins,