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LA CHANSON DE ROLAND

« Je ne dois à un païen ni la paix, ni l’amour ;
« Reçois la loi que Dieu nous donne à croire ;
« Deviens chrétien, et sur l’heure je t’aimerai,
« Si tu crois, si tu sers le Roi omnipotent.
« — Mauvaises paroles que tout cela, » dit Baligant.
Ils vont alors se redonner de grands coups de leurs épées...


CCLXVI


L’Émir est d’une force terrible.
Il frappe Charlemagne sur le heaume d’acier brun ;
Il le lui fend et casse sur la tête.
L’épée du païen tranche tous les cheveux,
Et de la chair enlève un morceau plus grand qu’une paume ;
À cet endroit, l’os demeure tout nu.
Charles chancelle, un peu plus il serait tombé ;
Mais qu’il meure ou qu’il soit vaincu, c’est ce que Dieu ne permet pas.
Saint Gabriel s’abat de nouveau près de lui.
« Grand roi, lui dit-il, que fais-tu ? »


CCLXVII


Quand Charles entend la sainte voix de l’Ange,
Il n’a plus peur, il ne craint plus de mourir :
Les forces et le sentiment lui reviennent.
De son épée de France il frappe l’Émir,
Brise le heaume où flamboient tant de pierres précieuses,
Tranche la tête d’où se répand la cervelle,
Jusqu’à la barbe blanche met en deux morceaux le visage ;
Bref, sans remède l’abat roide mort.
Puis, pour se faire reconnaître, « Montjoie ! » s’écrie-t-il.
À ce mot, le duc Naimes accourt ;
Il saisit Tencendur, et le grand roi y remonte.