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LA CHANSON DE ROLAND

Ni avant ce temps, ni depuis lors, on n’en vit jamais de semblable.
La nuit seule pourra séparer les combattants.


CCL


L’Émir appelle les siens :
« Vous n’êtes venus que pour frapper : frappez !
« Je vous donnerai de belles femmes ;
« Vous aurez des biens, des fiefs et des terres.
« — Oui, notre devoir est de bien frapper, » lui répondent les païens.
Et voilà qu’à force d’assener de grands coups ils mettent leurs lances en morceaux.
Cent mille épées alors sont tirées des fourreaux ;
La mêlée est douloureuse, elle est horrible :
Ah ! ceux qui furent là virent une vraie bataille.


CCLI


De son côté, l’Empereur exhorte ses Français :
« Seigneurs barons, je vous aime et j’ai confiance en vous.
« Vous avez déjà livré pour moi tant de batailles,
« Conquis tant de royaumes et détrôné tant de rois !
« Je vous en dois le salaire, c’est vrai, je le reconnais ;
« Et ce salaire, ce seront des terres, de l’argent, mon corps même, s’il le faut.
« Donc, vengez vos fils, vos frères et vos hoirs,
« Qui l’autre jour sont morts à Roncevaux.
« Vous le savez, c’est de mon côté qu’est le droit, c’est contre les païens.
« — C’est la vérité, Sire, » répondent les Français.
Charles en a vingt mille avec lui,
Qui d’une seule voix lui engagent leur foi.
Oui, quelle que soit leur détresse, et même devant la mort, ils ne feront jamais défaut à l’Empereur.