Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/493

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
LA CHANSON DE ROLAND

« C’est Charlemagne qui a pour lui le droit contre les païens ;
« Et c’est ici le véritable jugement de Dieu ! »


CCXLVIII


Sur un cheval tout blanc voici Malprime,
Qui s’est lancé dans le milieu de l’armée française.
À droite, à gauche, il y frappe de grands coups,
Et sur un mort abat un autre mort.
Baligant le premier s’écrie :
« Ô mes barons, ô vous que j’ai si longtemps nourris,
« Voyez mon fils, comme il cherche Charles,
« Et combien de barons, en attendant, il provoque au combat !
« Je ne saurais souhaiter un plus excellent soldat :
« Allez le secourir avec le fer de vos lances ! »
À ces mots, les païens font un mouvement en avant.
Ils frappent de fiers coups, la mêlée est rude ;
Pesante et merveilleuse est la bataille ;
Jamais avant ce temps ni depuis, jamais il n’y en eut de pareille.


CCXLIX


Les armées sont immenses, fiers sont les bataillons ;
Toutes les colonnes sont aux prises.
Dieu ! quels coups frappent les païens !
Dieu ! que de lances brisées en deux tronçons !
Que de hauberts démaillés ! que d’écus en morceaux !
La terre est tellement jonchée de cadavres,
Que l’herbe des champs, fine et tout à l’heure verte encore,
Est toute envermeillée par le sang.
L’Émir alors fait un nouvel appel aux siens :
« Frappez sur les chrétiens, frappez, barons ! »
La bataille est rude, elle est acharnée.