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LA CHANSON DE ROLAND

« Il est là-bas, tenez, au milieu de ces chevaliers barbus :
« Ils ont étalé leur barbe sur leur haubert,
« Et leur barbe est aussi blanche que la neige sur gelée ;
« Certes, ils frapperont, ceux-là, bons coups de lances et d’épées !
« Nous allons avoir une rude, une formidable bataille :
« Jamais on n’en aura vu de pareille ! »
Alors, de plus loin que le jet d’un bâton,
Baligant dépasse les premiers rangs de son armée,
Et lui fait cette petite harangue :
« En avant ! païens, en avant ! je vous montre la route. »
Il brandit alors le bois de sa lance
Et en tourne le fer du côté de Charlemagne.


CCXLIV


Charles le Grand, quand il aperçoit l’Émir,
Le dragon, l’enseigne et l’étendard ;
Quand il voit les Arabes en si grand nombre,
Quand il les voit couvrir toute la contrée
Hormis la place occupée par l’Empereur,
Le roi de France alors s’écrie à pleine voix :
« Barons français, vous êtes de bons soldats.
« Combien de batailles déjà n’avez-vous pas livrées !
« Or voici les païens devant nous ; ce sont des félons et des lâches,
« Et toute leur loi ne leur vaut un denier.
« Mais ils sont nombreux, direz-vous. Eh ! qu’importe ?
« Qui veut marcher me suive ! »
Alors Charles pique son cheval,
Et Tencendur fait quatre sauts.
« Comme le Roi est brave ! disent les Français :
« Aucun de nous ne vous fera défaut, Sire ; chevauchez. »