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LA CHANSON DE ROLAND


CCXLII


Les deux armées sont immenses, et splendides sont leurs bataillons.
Entre les combattants il n’y a ni colline, ni tertre, ni vallée,
Ni forêt, ni bois, ni rien qui les pourrait cacher les uns aux autres :
C’est une vallée découverte où les Français voient à plein les païens :
« En avant ! s’écrie Baligant, armée païenne,
« En avant, et engagez la bataille ! »
C’est Amboire d’Olilferne qui porte l’enseigne des païens ;
Et ceux-ci de pousser leur cri : « Précieuse ! »
Et les Français de leur répondre : « Que Dieu vous perde aujourd’hui ! »
Et de renouveler cent fois d’une voix forte le cri de « Montjoie ! Montjoie ! »
L’Empereur alors fait sonner tous ses clairons,
Et surtout l’olifant, qui les domine tous :
« La gent de Charles est belle, s’écrient les païens :
« Ah ! nous aurons une rude et terrible bataille ! »


CCXLIII


Vaste est la plaine, vaste est le pays.
Voyez-vous luire ces heaumes aux pierres gemmées d’or ?
Voyez-vous étinceler ces écus, ces broignes bordées d’orfroi ?
Ces épieux et ces gonfanons au bout des lances ?
Entendez-vous ces trompettes aux voix si claires ?
Entendez-vous surtout le son prolongé de l’olifant ?
L’Émir alors appelle son frère,
Canabeu, le roi de Floredée,
Qui tient la terre jusqu’à Valsevrée,
Et Baligant lui montre les colonnes de Charles :
« Voyez l’orgueil de France la louée ;
« Avec quelle fierté chevauche l’Empereur !