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LA CHANSON DE ROLAND

« Nous avons vu, dit-il, l’orgueilleux roi Charles :
« Ses hommes sont terribles et ne lui manqueront pas.
« Vous allez avoir bataille : armez-vous.
« — Bonne nouvelle pour les vaillants, s’écrie Baligant :
« Sonnez les clairons, pour que mes païens le sachent. »


CCXXXII


Alors, dans tout le camp, ils font retentir leurs tambours,
Leurs cors, leurs claires trompettes,
Et les païens commencent à s’armer.
L’Émir ne se veut pas mettre en retard :
Il revêt un haubert dont les pans sont brodés ;
Il lace son heaume gemmé d’or,
Et à son flanc gauche ceint son épée.
À cette épée, dans son orgueil, il a trouvé un nom ;
Par rapport à celle de Charlemagne, dont il a entendu parler,
La sienne s’appelle Précieuse,
Et ce mot même lui sert de cri d’armes dans la bataille :
Il fait pousser ce cri par tous ses chevaliers.
À son cou il pend un large et vaste écu ;
La boucle est d’or, le bord est garni de pierres précieuses ;
La guige est en beau satin à rosaces.
Puis Baligant saisit son épieu, qu’il appelle « le Mal »,
Dont le bois est gros comme une massue,
Et dont le fer serait la charge d’un mulet.
Baligant monte ensuite sur son destrier ;
Marcule d’outre-mer lui tient l’étrier.
L’Émir a l’enfourchure énorme,
Les flancs minces, les côtés larges,
La poitrine forte, le corps moulé et beau,
Les épaules vastes et le regard très-clair,
Le visage fier et les cheveux bouclés ;