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LA CHANSON DE ROLAND


CCVI


Charles est revenu à Roncevaux.
À cause des morts qu’il y trouve, commence à pleurer :
« Seigneurs, dit-il aux Français, allez le petit pas ;
« Car il me faut aller seul en avant,
« Pour mon neveu Roland que je voudrais trouver.
« Un jour j’étais à Aix, à une fête annuelle ;
« Mes vaillants chevaliers se vantaient
« De leurs batailles, de leurs rudes et forts combats ;
« Et Roland disait, je l’entendis,
« Que, s’il mourait jamais en pays étranger,
« On trouverait son corps en avant de ceux de ses pairs et de ses hommes ;
« Qu’il aurait le visage tourné du côté du pays ennemi,
« Et qu’enfin, le brave ! il mourrait en conquérant. »
Un peu plus loin que la portée d’un bâton qu’on jetterait,
Charles est allé devant ses compagnons et a gravi une colline.


CCVII


Comme l’Empereur va cherchant son neveu,
Il trouve le pré rempli d’herbes et de fleurs,
Qui sont toutes vermeilles du sang de nos barons.
Et Charles en est tout ému ; il ne peut s’empêcher de pleurer.
Enfin le Roi arrive sous les deux arbres ;
Sur les trois perrons il reconnaît les coups de Roland.
Il voit son neveu qui gît sur l’herbe verte :
Ce n’est point merveille si Charles en est navré de douleur.
Il descend de cheval, il court sans s’arrêter ;
Entre ses deux bras il prend le corps de Roland,
Et, de douleur, tombe sur lui sans connaissance.