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INTRODUCTION

la version primitive de notre poëme : nous le reconnaissons à sa brièveté magnifique, à sa simplicité, mais surtout à sa versification et à son style. Les variantes y sont nombreuses, mais peu considérables, et elles s’expliquent aisément, si l’on veut bien se rappeler que nos Chansons de geste étaient colportées oralement. Lorsqu’il s’agissait de les dicter au scribe, le trouvère ou le jongleur devaient sans doute le faire un peu différemment, suivant l’exactitude de leur mémoire et, peut-être aussi, suivant la facilité de leur improvisation. Bref, le manuscrit de Venise serait parfait..., s’il n’avait pas deux gros défauts. Tout d’abord il est écrit par un copiste très-ignorant, en un français redoutablement italianisé; et, en second lieu, il ne

    Quand vid morir qui bon vasal çataine.
    A lu remembra de le terre de France
    E de ses oncle li bon roi Çarlemaine.
    Non po muer tut so talento non cançe.



    Li cont Rollant se mis per la gran presie,
    Mais del ferir no fina e no cesse.
    Tint Durindarda sa bona spée traite,
    Oberg che rompe e descassa qui elme,
    Trencha qui cors et qui pung e le teste,
    Tel cent paien çeta morti ver tere,
    No i e quel vasal no se cuit esere.



    Dux Oliver torna da l’altra part,
    Del ben ferir si a pres un asalt.
    Tene Altaclera soa bona spea lial ;
    Soto el cel no e tal se l’no e Durindal.
    Oliver la ten e forment se combat ;
    Li sangue vermeil en vola entresque al braç.
    « Deo ! dist Rollant, cum quisti son bon vasal !
    Tant çentil cont, tant pro et tant lial !
    Nostra amisté anco in questo çorno ne fal,
    Per gran dolor anco se departira,
    E l’Imperer ma no recovrara,
    Ne dolce França ma du tel no avra ;
    E li franchi homini che per nu pregara,
    In santa clesia orason ne fara,
    In Paradixo per certo la soa arma çira. »
    Oliver lassa sa reina et son cival broça,
    In la grant presia à Rollant s’aprosma ;
    Dis l’un al altro : « Compagnon, tra vos inça,
    Se mort no m’anci, eo ne vos falira. »

    V. notre restitution de ce passage dans nos Notes et variantes, au v. 1679.