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LA CHANSON DE ROLAND

« Et c’est Roland, le puissant comte, qui le lui a tranché.
« Charles va avoir toute l’Espagne entre les mains.
« Ah ! misérable, ah ! chétive ! que vais-je devenir ?
« Malheureuse ! n’y a-t-il point quelqu’un qui veuille bien me tuer ?


CXCVII


« — Dame, dit alors Clarien, faites trève aux paroles :
« Nous sommes les messagers du païen Baligant,
« Qui sera, dit-il, le libérateur de Marsile.
« Voici le gant et le bâton qu’il lui envoie.
« Là-bas, sur l’Èbre, nous avons quatre mille chalands,
« Esquifs, barques et rapides galères.
« Qui pourrait compter nos dromonds ?
« L’Émir est riche, il est puissant,
« Il poursuivra, il attaquera Charlemagne jusque dans sa France,
« Et le veut voir à ses pieds demandant grâce, ou mort.
« — Les choses n’iront pas si bien, répond la Reine.
« Vous pourrez plus près d’ici rencontrer les Français.
« Charles est depuis sept ans dans cette terre.
« C’est un vaillant, un vrai baron ;
« Il mourrait plutôt que de fuir.
« Tous les rois de la terre sont pour lui des enfants,
« Et Charlemagne ne craint aucun homme vivant.


CXCVIII


« — Laissez tout cela, dit le roi Marsile,
« C’est à moi, dit-il aux messagers, c’est à moi, seigneurs qu’il faut parler.
« Vous voyez que je suis en mortelle détresse ;
« Point n’ai de fils, ni de fille, ni d’héritier.
« Hier soir j’en avais un : on me l’a tué.