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LE CHÂTIMENT DES SARRASINS


CLXXVIII


Roland est mort : Dieu a l’âme aux cieux…
— L’Empereur, cependant, arrive à Roncevaux.
Pas une seule voie, pas même un seul sentier,
Pas un espace vide, pas un aune, pas un pied de terrain
Où il n’y ait un corps de Français ou de païen :
« Où êtes-vous, s’écrie Charles ; mon beau neveu, où êtes-vous ?
« Où est l’Archevêque ? où le comte Olivier ?
« Où Gerin et son compagnon Gerer ?
« Où sont le comte Bérenger et Othon ?
« Ive et Ivoire que j’aimais si chèrement ?
« Et le duc Samson et le baron Anséis ?
« Où est Gérard de Roussillon, le vieux ?
« Où sont les douze Pairs que j’avais laissés derrière moi ? »
Mais, hélas ! à quoi bon ? personne, personne ne répond.
« Ô Dieu, dit le Roi, j’ai bien lieu d’être en grand émoi
« De n’avoir point été là pour commencer la bataille. »
Et Charles de s’arracher la barbe, comme un homme en grande colère ;
Et tous ses barons chevaliers d’avoir des larmes plein les yeux.
Vingt mille hommes tombent à terre pâmés :
Le duc Naimes en a très-grande pitié.