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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

ments traditionnels et légendaires ; ils n’en ont pris que les idées, l’esprit, la vie. Ils ont trouvé tout le reste. La forme épique leur appartient en propre, et telle n’était point celle des Chants populaires ou Cantilènes, lesquels étaient sans doute ornés de refrains et chantés sur un rhythme beaucoup plus vif.

Le génie inconnu qui a écrit la Chanson de Roland n’est donc pas, et, en vérité, il ne peut être un compilateur vulgaire. Ce n’est certes pas un compilateur qui donnerait jamais à une œuvre cette unité vitale, cette sublime et incomparable unité. Non, non : il avait dans l’oreille le souvenir exact d’un certain nombre de chants populaires ; il les avait classés dans sa mémoire ; peut-être même les avait-il fixés sur le parchemin. Mais il s’est contenté de les imiter, et de les imiter à la façon des maîtres, c’est-à-dire en surpassant infiniment son modèle...

Il est temps d’ouvrir son œuvre, il est temps de l’admirer.


VI. — de la seconde forme qu’a revêtue la légende de roland. — les chansons de geste
le texte d’oxford


Le poëme que nous publions n’est certainement pas notre plus ancienne épopée nationale. Avant l’auteur de la Chanson de Roland, plusieurs poëtes s’étaient déjà donné la tâche de rassembler et de fondre, en une œuvre unique, la matière de vingt cantilènes préexistantes. Par malheur, ces premiers essais ne sont point parvenus jusqu’à nous, et M. G. Paris a donné de leur disparition une raison excellente : « C’est, dit-il, que l’écriture ne descendait pas encore à reproduire les chants vulgaires. » Néanmoins on est peut-être allé et l’on va trop loin dans cette voie. Toutes les fois que l’on rencontre dans le Roland quelque allusion aux antécédents de notre héros : « C’était évidemment, s’écrie-t-on, le sujet d’un poëme disparu. » Nous