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LA CHANSON DE ROLAND

« Et la Saxe qui se soumit à son bon plaisir ;
« Je lui conquis Écosse, Galles, Irlande
« Et l’Angleterre, son domaine privé.
« En ai-je assez conquis de pays et de terres,
« Que tient Charles à la barbe chenue !
« Et maintenant j’ai grande douleur à cause de cette épée.
« Plutôt mourir que de la laisser aux païens !
« Que Dieu n’inflige point cette honte à la France ! »


CLXXIV


Pour la troisième fois, Roland frappe sur une pierre bise :
Plus en abat que je ne saurais dire.
L’acier grince ; il ne rompt pas :
L’épée remonte en amont vers le ciel.
Quand le comte s’aperçoit qu’il ne la peut briser,
Tout doucement il la plaint en lui-même :
« Ma Durendal, comme tu es belle et sainte !
« Dans ta garde dorée il y a assez de reliques :
« Une dent de saint Pierre, du sang de saint Basile.
« Des cheveux de monseigneur saint Denis,
« Du vêtement de la Vierge Marie.
« Non, non, ce n’est pas droit que païens te possèdent !
« Ta place est seulement entre des mains chrétiennes.
« Plaise à Dieu que tu ne tombes pas entre celles d’un lâche !
« Combien de terres j’aurai par toi conquises,
« Que tient Charles à la barbe fleurie,
« Et qui sont aujourd’hui la richesse de l’Empereur ! »


CLXXV


Roland sent que la mort l’entreprend
Et qu’elle lui descend de la tête sur le cœur.