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LA CHANSON DE ROLAND

Il étend la main, et saisit l’olifant du baron.
En Roncevaux il y a une eau courante ;
Il y veut aller pour en donner à Roland.
Tout chancelant, à petits pas, il y va ;
Mais il est si faible qu’il ne peut avancer ;
Il n’a pas la force, il a trop perdu de son sang.
Avant d’avoir marché l’espace d’un arpent,
Le cœur lui manque, il tombe en avant :
Le voilà dans les angoisses de la mort.


CLXVII


Alors Roland revient de sa pâmoison,
Il se redresse ; mais, hélas ! quelle douleur pour lui !
Il regarde en aval, il regarde en amont :
Au delà de ses compagnons, sur l’herbe verte,
Il voit étendu le noble baron,
L’Archevêque, le représentant de Dieu.
Turpin s’écrie : « Mea culpa ! » lève les yeux en haut,
Joint ses deux mains et les tend vers le ciel,
Prie Dieu de lui donner son Paradis...
Il est mort, Turpin, le soldat de Charles,
Celui qui par grands coups de lance et par beaux sermons
N’a jamais cessé de guerroyer les païens.
Que Dieu lui donne sa sainte bénédiction !


CLXVIII


Le comte Roland voit l’Archevêque à terre ;
Les entrailles lui sortent du corps,
Et sa cervelle lui bout sur la face, au-dessous de son front.
Sur sa poitrine, entre les deux épaules,
Roland lui a croisé ses blanches mains, les belles,