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LA CHANSON DE ROLAND

« Non, non, disent-ils l’un à l’autre, le droit n’est pas pour l’Empereur. »
Le Calife montait un cheval roux ;
De ses éperons d’or il l’éperonne,
Frappe Olivier dans le milieu du dos,
Dans le corps même lui découd les mailles du blanc haubert,
Et la lance du païen passe de l’autre côté de la poitrine :
« Voilà un rude coup pour vous, lui dit-il :
« Charles fut mal inspiré de vous laisser aux défilés.
« L’Empereur nous a fait tort, mais il n’aura guère lieu de s’en féliciter ;
« Car sur vous seul j’ai bien vengé tous les nôtres. »


CXLVII


Olivier sent qu’il est blessé à mort.
Dans son poing est Hauteclaire, dont l’acier fut bruni.
Il en frappe le Calife sur le heaume aigu couvert d’or,
Et il en fait tomber à terre les pierres et les cristaux ;
Il lui tranche la tête jusqu’aux dents du milieu ;
Il brandit son coup et l’abat roide mort :
« Maudit sois-tu, païen, lui dit-il ensuite.
« Je ne dis pas que Charles n’ait rien perdu ;
« Mais, certes, ni à ta femme, ni à aucune autre dame,
« Tu n’iras te vanter, dans le pays où tu es né,
« D’avoir pris à l’Empereur la valeur d’un denier,
« Ni d’avoir fait dommage, soit à moi, soit à d’autres. »
Puis : « Roland ! s’écrie-t-il, Roland ! à mon secours ! »


CXLVIII


Olivier sent qu’il est blessé à mort :
Jamais il ne saurait assez se venger.
Dans la grand’presse il frappe en baron,
Tranche les écus à boucles et les lances,