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LA CHANSON DE ROLAND

« C’est pour moi, barons de France, que je vous vois mourir ainsi,
« Et je ne vous puis défendre, et je ne vous puis sauver !
« Que Dieu vous aide, Celui qui jamais ne mentit.
« Olivier, mon frère Olivier, je ne dois pas du moins te faire défaut,
« Si l’on ne me tue pas ici, la douleur me tuera.
« Allons, sire compagnon ! retournons frapper les païens. »


CXLII


Le comte Roland rentre sur le champ de bataille ;
Dans son poing est Durendal, et il s’en sert en brave.
Un de ses coups tranche en deux Faldrun du Pui ;
Puis il tue vingt-quatre autres païens des meilleurs.
Jamais il n’y aura d’homme qui ait une telle ardeur de se venger.
Comme le cerf s’enfuit devant les chiens,
Ainsi s’enfuient les païens devant Roland.
« Voilà qui est bien agir, lui dit l’Archevêque :
« Et telle est la valeur qui convient à un chevalier
« Portant de bonnes armes et assis sur un bon cheval.
« Il faut qu’il soit fort et fier dans la bataille ;
« Car autrement je ne donnerais pas de lui quatre deniers ;
« Qu’on en fasse alors un moine dans quelque moutier,
« Où il priera toute sa vie pour nos péchés.
« — Frappez, répond Roland, frappez, et pas de quartier. »
À ces mots, nos Français recommencent la bataille ;
Mais les Chrétiens firent là de grandes pertes.


CXLIII


Quand il sait qu’on ne lui fera point de quartier,
L’homme dans la bataille se défend formidablement.
Et c’est pourquoi les Français sont fiers comme des lions.
Voici, voici Marsile, qui a tout l’air d’un vrai baron.