Le roi Charles chevauche en très-grande colère ;
Sur sa cuirasse s’étale sa barbe blanche.
Et tous les barons de France d’éperonner vivement :
Car il n’en est pas un qui ne soit plein de douleur
De n’être point avec Roland le capitaine
Qui, en ce moment même, se bat contre les Sarrasins d’Espagne.
Si Roland était blessé, un seul des siens, un seul survivrait-il ?
Mais, Dieu ! quels soixante hommes il a encore avec lui !
Jamais roi, jamais capitaine n’en eut de meilleurs.
LA DÉROUTE
Roland jette les yeux sur les monts, sur les landes :
Que de cadavres français il y voit étendus !
En noble chevalier il les pleure :
« Seigneurs barons, que Dieu prenne pitié de vous :
« Qu’à toutes vos âmes il octroie le Paradis ;
« Qu’il les fasse reposer en saintes fleurs !
« Jamais je ne vis meilleurs vassaux que vous.
« Vous m’avez tant servi, servi sans trêve pendant tant d’années !
« Vous avez fait de si vastes conquêtes pour Charlemagne !
« Et c’est donc pour une telle mort que l’Empereur vous aura élevés et nourris !
« Ô terre de France, quel beau pays vous êtes !
« Mais vous voilà veuve aujourd’hui, après un tel désastre.