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LA CHANSON DE ROLAND

Pas un qui ne tremble pour Roland...
Cependant l’Empereur a fait saisir le comte Ganelon
Et l’a livré aux gens de sa cuisine.
Leur chef se nomme Bègue ; Charles l’appelle :
« Garde-moi bien cet homme, dit-il, comme un traître
« Qui a vendu toute ma maison. »
Bègue alors prend Ganelon, et met après lui cent compagnons
De sa cuisine, des meilleurs et des pires,
Qui vous lui épilent la barbe et les moustaches.
Puis, chacun vous lui donne quatre coups de son poing ;
Ensuite ils vous le battent rudement à coups de verges et de bâtons ;
Ils vous lui mettent une grosse chaîne au cou,
Ils l’enchaînent enfin comme on ferait un ours
Et le jettent ignominieusement sur un cheval de charge.
Et c’est ainsi qu’ils le gardèrent jusqu’au moment de le rendre à Charles.


CXXXIX


Comme les montagnes sont hautes, énormes et ténébreuses !
Comme les vallées sont profondes, comme les torrents sont rapides !
Par derrière, par devant, sonnent les trompettes de Charles,
Qui toutes répondent au cor de Roland.
L’Empereur chevauche, plein de colère.
Les Français sont tristes, sont angoisseux.
Il n’en est pas un qui ne pleure et ne sanglote,
Pas un qui ne prie Dieu de préserver Roland
Jusqu’à ce que tous ensemble ils arrivent sur le champ de bataille.
Ah ! c’est alors qu’avec Roland ils frapperont de bons coups !
Mais, hélas ! à quoi bon ? Tout cela ne sert de rien :
Ils ne peuvent arriver à temps. En retard ! en retard !