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LA CHANSON DE ROLAND

Charles et tous les Français l’entendent,
Et le Roi dit : « Ce cor a longue haleine. »
Naimes : « C’est un vrai baron, dit-il, qui fait cet effort.
« Il y a bataille, et, sur ma conscience,
« Quelqu’un a trahi Roland... c’est celui qui feint avec vous.
« Armez-vous, Sire ; criez votre devise
« Et secourez votre noble maison :
« Vous entendez assez la plainte de Roland. »


CXXXVII


L’Empereur fait sonner ses clairons ;
Français descendent, et les voilà qui s’arment
De heaumes, de hauberts, d’épées à gardes d’or.
Ils ont de beaux écus, de grandes et fortes lances,
Des gonfanons bleus, blancs et rouges...
Les barons, tous les barons du camp remontent à cheval,
Ils éperonnent, et, tant que durent les défilés,
Il n’en est pas un qui ne dise à l’autre :
« Si nous voyions Roland avant sa mort,
« Quels beaux coups nous frapperions avec lui ! »
Las ! que sert ? en retard ! trop en retard !


CXXXVIII


Le soir s’est éclairci, voici le jour.
Au soleil reluisent les armes ;
Heaumes et hauberts jettent des flammes,
Et les écus aussi, si bien peints à fleurs,
Et les lances et les gonfanons dorés.
L’Empereur chevauche, plein de colère ;
Tous les Français sont tristes, sont angoisseux ;
Il n’en est pas un qui ne pleure à chaudes larmes,