« Notre bataille est rude, dit Roland ;
« Je vais sonner du cor, et Charles l’entendra.
« — Ce ne serait pas là du courage, répond Olivier.
« Quand je vous le conseillai, ami, vous ne daignâtes pas le faire.
« Si l’Empereur était ici, nous n’aurions pas subi une telle perte ;
« Mais ceux qui sont là-bas ne méritent aucun reproche.
« — Par cette mienne barbe, dit encore Olivier,
« Si je revois jamais la belle Aude, ma sœur,
« Vous ne coucherez jamais entre ses bras.
« — Pourquoi me garder rancune ? dit Roland.
« — C’est votre faute, lui répond Olivier ;
« Le courage sensé n’a rien de commun avec la démence,
« Et la mesure vaut mieux que la fureur ;
« Si tant de Français sont morts, c’est votre folie qui les a tués.
« Et voilà que maintenant nous ne pourrons plus servir l’Empereur.
« Si vous m’aviez cru, notre seigneur serait ici ;
« Nous aurions livré, nous aurions gagné cette bataille ;
« Le roi Marsile eût été pris et tué.
« Ah ! votre vaillance, Roland, nous sera bien funeste ;
« Désormais vous ne pourrez rien faire pour Charlemagne,
« Charlemagne, l’homme le plus grand que l’on verra d’ici au Jugement.
« Pour vous, vous allez mourir, et la France en va tomber dans le déshonneur.
« Puis, c’est aujourd’hui que va finir notre loyale amitié :
« Avant ce soir, ami, nous serons séparés, et bien douloureusement ! »